Séminaire "Droit et Mathématiques" de l'IHEJ, Quatorzième Séance
Date et heure
Description
Thème : " Entre ubiquité naturelle et "assignation à résidence" : où sont les données ?"
Intervenante : Valérie Laure Bénabou, Professeur Agrégée de Droit, Aix-Marseille Université
Résumé
L’actualité fournit de nombreuses illustrations de la difficulté que rencontre le droit pour saisir les données dans l'espace et pour les raccrocher à un impérium. Dès lors que la réplication des données est une condition essentielle de leur circulation mais aussi de la sécurité des systèmes d’information, la pluri-localisation des données constitue une nécessité indépassable avec laquelle le droit doit composer.
Est-ce une véritable difficulté pour les ordres juridiques ? Amateur de fiction, le droit n’est en principe pas avare d’une lecture décalée du réel lui permettant de faire valoir les valeurs qu’il porte, n'hésitant pas, pour ce faire, à préférer une localisation artificielle de la donnée à la quête impossible de ses places multiples et changeantes dans le magma des serveurs . Mais des concours éventuels d’interprétations et de revendications sont susceptibles de se faire jour. Ainsi, lorsque Donald Trump fait adopter le Cloud Act, il ignore délibérément les effets de la pluri-localisation et s’assure un contrôle sur les données l’ensemble des individus qui emploient les services d’opérateurs américains, c’est-à-dire notamment l’ensemble des Européens, qui se croyaient à l’abri de leur RGPD. Dans un autre registre, les textes relatifs à la portabilité des données ou à l’interdiction du géo-blocage témoignent d’une volonté d’empêcher un rattachement trop rigide de la donnée à un territoire pour en permettre une circulation et un accès aisés. Il s’agit de mettre en perspective ces différents phénomènes qui, chacun à leur manière, reflètent la complexité d’une combinaison inédite entre le corporel et l’incorporel, le fluide et le stable, l’unique et le multiple.