Rencontre avec Vanina Mozziconacci à l'occasion de la parution des deux livres Le politique est-il personnel ? Critiques féministes des pédagogies féministes, aux éditions Hystériques et associéEs et Apprendre à philosopher en féministe, aux éditons La Dispute.
_Le politique est-il personnel ? Critiques féministes des pédagogies féministes, Hystériques et associéEs, un livre collectif de Vanina Mozziconacci, Chandra Talpade Mohanty, Kathleen Martindale, Barbara Omolade & Mimi Orner.
La lutte contre le sexisme et le racisme est-elle une affaire d’éducation ? De nombreuses pratiques militantes sont aujourd’hui reprises dans divers espaces éducatifs : ateliers, formations, écoles, universités… Les pédagogies émancipatrices s’en inspirent pour « empouvoirer » les opprimé-es en cherchant à « faire entendre » leur voix. Mais que faire lorsque ces dernier-es préfèrent garder le silence ? Et si, plutôt qu’une marque d’auto-censure, d’aliénation ou d’impuissance, il s’agissait d’une forme de résistance ?
Cet ouvrage rassemble cinq textes d’enseignantes féministes et antiracistes qui interrogent l’injonction à exposer son expérience personnelle au nom d’une lutte politique.
_Apprendre à philosopher en féministe, éditions La Dispute.
Suffit-il d’ajouter des femmes aux programmes scolaires pour que l’histoire de la philosophie cesse d’être sexiste ? Une éducation féministe peut-elle être autre chose qu’un endoctrinement ? Pour Vanina Mozziconacci, loin de s’apparenter à une « éducation à l’égalité des sexes » qui livrerait clef en main bonnes pratiques et bonne conscience, un apprentissage féministe
de la philosophie vise au contraire à reproblématiser.
Car philosopher en féministe, c’est refuser de se laisser enfermer dans une façon masculiniste de poser les problèmes. C’est découvrir le contrat sexuel, racial et âgiste sous le contrat social ; déceler le caractère genré de certaines postures argumentatives ; retisser par des récits le lien entre la métaphysique et le quotidien ; constater que des concepts clefs de l’histoire de la philosophie tiennent par connivence misogyne ; c’est, enfin, se demander à qui profite une pensée qui se présente comme désintéressée.
Avec un ton engagé, parfois irrévérencieux, l’autrice montre qu’un tel travail de recadrage est nécessaire pour que la discipline cesse d’ignorer les expériences minorisées et qu’elle produise des concepts qui leur rendent justice. Et montre que le féminisme est aussi une lutte contre les injustices épistémiques.