Religions et nationalismes
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Religions et nationalismes
Du Brésil de Bolsonaro dont le programme politique est arrimé aux églises évangéliques au nationalisme hindou du premier ministre Narendra Modi en passant par l’idéologie frériste de la Turquie de Recep Erdogan, on assiste dans toutes les parties du globe à l’expansion du « nationalisme religieux ». Si les politiques y voient une ressource stratégique pour acquérir le pouvoir, les religions ne sont pas en reste : là où elles soutiennent le nationalisme, elles se trouvent aussi renforcées (hindouisme, évangélisme, orthodoxie russe, etc.).
Né en Europe au XVIIIe siècle, le nationalisme est une idéologie qui revêt plusieurs formes historiques : s’il a accompagné en Europe l’industrialisation et le libéralisme (Gellner), s’il a été un facteur d’intégration (Renan), il a aussi été un vecteur idéologique pour les mouvements de décolonisation. À l’ère de la globalisation postmoderne, il connait une redéfinition et une expression renouvelée.
D’un point de vue théologique, le nationalisme peut se caractériser par la déification de la nation qui devient en ce cas la manifestation du Sauveur et garantit au peuple d’être protégé du mal en le préservant du gouvernement des étrangers. Dans ce cas, le « nationalisme religieux » appuie ce discours sur des ressources religieuses et réinvente un récit accompagné de logiques d’opposition et de stigmatisation. Ainsi par exemple, Jaffrelot a montré qu’en Inde, le nationalisme s’inscrit dans des stratégies politiques syncrétistes de résistance face à la globalisation. Il réhabilite les identités religieuses, invente une tradition tout en puisant dans les idéologies occidentales. Par là-même, le nationalisme hindou se différencie des valeurs hindoues traditionnelles (absence d’organisation institutionnelle, négation du pluralisme, etc.) et reconstruit un passé à la lumière des valeurs ou des pratiques occidentales identifiées comme cause de supériorité (assimilation des pratiques prosélytes, mise en œuvre d’une structure hiérarchique).
Face à ce phénomène caractérisé par des logiques identitaires fermées (Fukuyama), sources de violence ou de conflits, l’objet du colloque est de se demander comment l’articulation entre nationalisme et religions est approchée du point de vue théologique dans les différentes religions (christianisme, islam, hindouisme, etc.). Peut-on mettre en lumière des méthodologies ou des épistémologies communes qui justifient les idéologies nationalistes (lecture littéraliste des textes sacrés, eschatologie, thème de l’élection, etc.) ? Peut-on penser une théologie du nationalisme ouverte à l’autre ? Il conviendra aussi de se demander quels sont les thèmes et les ressources propres à chaque tradition religieuse pour déconstruire les logiques et discours nationalistes fermés. Ainsi, par exemple, on pourra voir comment et dans quelle mesure en islam, la prévalence de l’umma sur la nation et l’affirmation de l’unicité divine contre toute forme d’idolâtrie mondaine, déconstruit les discours nationalistes appuyés sur l’islam. De même, on pourra s’interroger sur les réponses des théologiens chrétiens à la fois protestants, orthodoxes et catholiques face au défi nationaliste et à l’instrumentalisation du christianisme.
Programme
Vendredi 18 mars 2022
1. Cartographie : D’un nationalisme libérateur à un nationalisme identitaire
9h00
Introduction de Jean-Louis SOULETIE, doyen du Theologicum (ICP)
Conférence d’Alain DIECKHOFF, CERI-Sciences Po/CNRS
Le renforcement des nationalismes religieux au cours de 20 dernières années.
11h Conférence de Christophe JAFFRELOT, CERI-Sciences Po/CNRS
L’Inde de Modi
2. Cas d’études : dans l’espace et le temps
14h-17h
Yohan BRIANT, Université de Montpellier 3
Religion et nationalisme en Chine : l’islam à l’épreuve de la sinité
Marie-Thérèse DESOUCHE, Institut catholique de Toulouse.
Le pape Pie XI et la lutte contre le nationalisme dans la Pologne d’après-guerre.
Hanaa BELDJERD, Université de Lille
La sémantique de l’umma (Communauté) et du dawla (Etat) en Algérie contemporaine
Alberto AMBROSIO, Luxembourg School of Religion & Society, IDEO, Collège des Bernardins
Le réformisme comme modèle du nationalisme turc
Nasser GABRYEL, Institut Montpensier – Université méditerranéenne de la Francophonie (UMF)
Universel, universalisation et universalité : de la conversion du capital religieux en capital politique et symbolique 1880-1960 ; un chauvinisme de l’universel ?
Samedi 19 mars 2022
3. Le christianisme et la théologie aux prises avec le nationalisme
9h30-12h
Catherine MARIN, Institut catholique de Paris.
Les missions chrétiennes face aux nationalismes : l’exemple de Mgr Lavigerie
Jean-Claude ANGOULA, Université catholique de Lyon.
Théologie chrétienne du dialogue et nationalisme religieux : l’exemple du Sénégal.
Paul VAZEUX, Université de Strasbourg.
Nationalisme russe et orthodoxie
Gabriel HACHEM, Université Saint-Esprit de Kaslik
Des capitulations au nationalisme arabe et à l’arabité : les défis ecclésiaux et le contexte géopolitique au Moyen-Orient
14h-17h
Lucie KAENNEL, Université de Zurich
L’instrumentalisation de l’idée de « peuple élu de Dieu » en terreau protestant
Xavier GUE, Institut catholique de Paris
Théologie de l’élection et nationalisme
Bruno JUDIC, Université de Tours
Les saints vecteurs du nationalisme ? l’exemple de s. Martin de Tours
Sylvain BRISON, Institut catholique de Paris
Une critique du nationalisme : W. Cavanaugh et l’imagination théologique
"Catégorie : théologie"